Iliad se lance en Italie avec des tarifs agressifs

di | 1 Giu 2018

CEO of the Italian branch of French telecoms operator Iliad, Benedetto Levi, poses at the end of media conference in Milan, Italy, May 29, 2018. REUTERS/Stefano Rellandini

Iliad se lance en Italie avec des tarifs agressifs

En difficulté dans l’Hexagone, l’opérateur français a annoncé, mardi, le lancement d’une offre mobile low cost dans la Péninsule.

« C’est le moment de dire “ça suffit” », a scandé Benedetto Levi, le tout jeune patron d’Iliad Italie. La filiale italienne de l’opérateur (dont le fondateur, Xavier Niel, est actionnaire à titre personnel du Monde) a donné mardi 29 mai le coup d’envoi à son service de téléphonie mobile dans la Péninsule. Comme en France en 2012, Iliad n’avait qu’une idée en tête : déstabiliser la concurrence avec des prix extrêmement agressifs.
Objectif plus que réussi. L’opérateur, qui a choisi comme marque commerciale Iliad de l’autre côté des Alpes, a lancé une seule offre voix, SMS illimités, comprenant 30 gigas de données en 4G et des communications dans 65 pays du monde pour 5,99 euros seulement. Un tarif de nature à rebattre les cartes du marché. En moyenne, un consommateur italien dépense 19,1 euros par mois, soit environ 8,5 % de plus qu’un Français.

Pour des forfaits comparables, Vodafone, TIM, 3, Wind ou l’opérateur mobile virtuel Kena proposent des tarifs compris entre 10 et 30 euros. A la Bourse de Milan, le titre Telecom Italia perdait 1,68 % dans l’après-midi de mardi.

Alors qu’en France Xavier Niel en personne avait fait le show en 2012, en Italie, le fondateur de Free et les dirigeants historiques de l’ex-trublion des télécoms ont préféré laisser la main à Benedetto Levi. C’est donc le jeune directeur général de 29 ans qui s’est chargé de faire monter la pression lors de la conférence de lancement retransmise sur les réseaux sociaux.

« Bouleverser les prix »
« Nous sommes là pour bouleverser les prix », a lancé Benedetto Levi, qui a fait ses classes dans le monde des start-up en lançant la filiale du site français de réservation de billet de train Captain Train en Italie.

Pour s’imposer, Iliad compte sur les particularités du marché italien. Contrairement à la France, une kyrielle de services proposés par les opérateurs sont payants, comme la consultation de la messagerie ou le simple fait d’avoir l’accès à la ligne, sans que l’opérateur ne le mentionne toujours clairement. « L’Italie est l’un des pays d’Europe où les gens utilisent le moins leur téléphone car ils ne savent jamais combien ils vont payer », a expliqué Benedetto Levi.

Pour le moment, cette nouvelle offre est proposée à un premier million de clients. L’opérateur changera-t-il ensuite ses tarifs ? En France, Free avait opté pour un système similaire en réservant ses offres à trois millions de clients, mais les avait ensuite maintenues. Pour atteindre l’équilibre, le groupe vise un peu moins de 10 % de part de marché, dans un secteur qui compte 60 millions de clients. Le marché italien est plus fluide qu’il ne l’était en France en 2012, dans la mesure où la grande majorité des clients utilisent des cartes prépayées.

Pour Iliad, tout l’enjeu va résider dans la mise en place d’un modèle économique intéressant à l’échelle du groupe. L’opérateur aura-t-il les moyens de fabriquer son propre réseau et de financer l’achat de nouvelles fréquences 700 et 5G, dont les enchères seront lancées à la rentrée ? Le nouveau trublion du marché italien a déjà expliqué qu’il répondrait présent à ce rendez-vous. Il juge aussi que le chaos politique italien ne devrait pas le modifier. Le gouvernement souhaite faire entrer 2,5 milliards d’euros dans les caisses à l’issue de ces enchères.

Un premier pas
Iliad Italie, qui emploie 200 personnes et compte porter ce chiffre à 1 000 salariés ces prochaines années, a investi 300 millions d’euros en 2017, et devrait dépenser un peu plus cette année. L’opérateur a aussi conclu un contrat de roaming, qui lui permet d’utiliser pour une durée de cinq ans, renouvelable, le réseau de Wind/3 Italia.

« Si le tarif n’évolue pas, cela soulève de vraies questions en termes de financement des investissements », indique toutefois Thomas Coudry, analyste chez Bryan Garnier, qui a calculé que le besoin d’investissement atteindrait 1,1 milliard d’euros d’ici à 2023. Peu endetté, Iliad a lancé le 18 avril une émission obligataire de 1,15 milliard d’euros pour financer ses investissements.

Le mobile ne pourrait être qu’un premier pas avant une entrée dans le fixe. Ce que n’a pas nié M. Levi en marge de la conférence de presse. « L’équation sera sans doute meilleure quand le fixe, où il aura moins besoin d’être agressif, sera lancé », prédit Thomas Coudry. Pour les analystes de Raymond James, Iliad devrait capter 5 % à 6 % du marché du fixe d’ici à 2025. Le chiffre d’affaires de la filiale pourrait ainsi atteindre 1 milliard d’euros (15 % des ventes du groupe) et son Ebitda (excédent brut d’exploitation) 230 millions d’euros.

En France, Free a construit son succès sur cette recette : les offres mobiles imbattables ont permis d’attirer du monde sur la box, plus rentable. Récemment, le cercle vertueux s’est grippé. Iliad ne peut se permettre de manquer son lancement italien.

dal sito www.lemonde.fr